Retour sur le débat sur les enjeux de l'économie productive sur notre territoire
L’Agence Scalen a tenu son Assemblée Générale, présidée par Jean-François Husson, dans les locaux du groupe Fives Nordon.
Pour l’occasion, un débat sur les enjeux de l’économie productive sur notre territoire a été organisé en présence de 4 professionnels :
- Guy Cromer, directeur technique du groupe Fives Nordon
- Anne-Sophie Didelot, présidente de la start-up Alérion
- Brigitte Jamart, directrice de l’Ecole Européenne d’ingénieurs en génie des matériaux
- Franck Muratet, directeur de l'usine Crown Bevcan France, et président de l’association d’entreprises Val de Lorraine Entreprendre.
Le témoignage et l’expérience de ces 4 professionnels ont contribué à la richesse des échanges et aux réflexions sur le renforcement de l’économie productive sur notre territoire. Quatre grands enjeux ont été évoqués :
L’innovation
Le marché de la canette en métal augmente de 4% par an, soit double en 20 ans, notamment parce que les pays émergents consomment de plus en plus de sodas. Or, les ressources sont limitées. Il est aujourd’hui indispensable pour Crown BevCan France de réduire l’impact écologique de son activité productive. Cela passe par exemple par la réduction de la matière première. Mais pour réduire la taille des parois d’une canette de 80 microns à 78 microns, il faut 20 ans d’innovation. A noter que Crown BevCan France vient de réaliser 100 millions d’investissements pour moderniser son site de Custines.
L’innovation chez Fives Nordon va passer par l’augmentation de la durée de vie des produits, notamment des composants mécaniques, et sur le remplacement de composants sans avoir à changer la pièce dans son intégralité. C’est le contraire de l’obsolescence programmée.
L’innovation est au cœur de l’activité d’Alérion puisqu’elle développe de la R&D et conçoit des solutions intelligentes pour équiper les drones. Pour la start-up, c’est une vraie chance d’être à Nancy : elle peut s’appuyer sur le potentiel académique d’innovation du territoire pour se développer, et travailler avec les nombreux centres de recherche de la Métropole.
A noter que pour résoudre les problématiques industrielles des PME, l’Université de Lorraine a mis en place des Ateliers de Transfert d’Innovation, qui permettent aux entreprises, avec l’appui d’un ingénieur partenarial dédié, de constituer une équipe pluridisciplinaire d’étudiants encadrés par leurs enseignants pour mener à bien leurs projets. Ce dispositif est soutenu financièrement par la région Grand Est et par le Fonds européen de développement régional. Les ATI ne coûte que 1 000 euros aux entreprises. L’EEIGM avec sa Halle de Technologie, permet un transfert et une valorisation des travaux et résultats issus de la recherche dans le domaine des matériaux.
Le besoin main d’œuvre qualifiée
C’est un paradoxe : la réalité du chômage en France alors que le secteur industriel a beaucoup de mal à recruter. En effet, les métiers de l’industrie ont encore une image négative auprès des jeunes, des demandeurs d'emploi et du public en général. Pourtant, il offre des carrières intéressantes et très épanouissantes. Pour faire connaître les métiers de l’industrie, leur réalité et les opportunités d’emplois, le groupe Fives Nordon va régulièrement à la rencontre des jeunes lycéens ou des étudiants. Une solution pour attirer les jeunes vers l’industrie ? L’apprentissage ! Des partenariats ont par exemple été développés par les groupes industriels avec des lycées comme le Lycée Loritz à Nancy, ou avec l’école d’ingénieur EEIGM. La valorisation de l’apprentissage est aujourd’hui indispensable. La pénurie de compétences fait que certaines entreprises hésitent à répondre à certains projets, menaçant leur développement, et à terme, la croissance économique du territoire. D’où l’importance d’investir dans la formation continue. La formation professionnelle permet de maintenir compétences et talents dans l’entreprise, et de s’adapter plus facilement à sa modernisation technologique et organisationnelle. Par exemple, Fives Nordon a créé une école de soudage et de tuyauterie sur le site de Nancy qui forme une centaine d’ouvriers par an. L’EEIGM a également développé une offre de formation continue à destination des entreprises industrielles, mais cette offre est encore mal connue. Ou encore l’Adefime Lorraine qui finance des actions de formation à destination des professionnels de la métallurgie. Par ailleurs, le monde de l’industrie reste boudé par les femmes. Pourtant, tous les métiers leur sont accessibles. Une note toutefois positive : l’école EEIGM compte dans ses promotions plus de 40 % de femmes. Enfin, Nancy souffre d’une mauvaise image. Il n’est pas simple d’attirer des compétences pointues à Nancy, d’autant plus pour une start-up, structure jugée parfois fragile. Certains candidats privilégient les grands groupes ou les entreprises bien établies. Pour une spin-off comme Alérion, le réseau professionnel permet de recevoir des profils recommandés, mais une start-up n’a pas le droit de se tromper dans son recrutement.
Nancy manque d’attractivité par seulement pour attirer de bons candidats, mais aussi pour aller chercher des partenaires parisiens.
Le développement de l’activité
Le bassin productif nancéien est très bien doté en centres de recherche et en outils d’accompagnement à la création d’entreprises (espace de transfert de l’Inria, Incubateur Lorrain, Lor’n’Tech, Alexis, PEEL…). A cette étape de la vie de l’entreprise, le porteur de projet peut bénéficier de beaucoup d’aides. Mais il y a un gap important entre la phase de création et la phase de développement. Or la phase de développement est la plus compliquée, en particulier avec la recherche de fonds d’investissement, permettant notamment de passer en phase d’industrialisation. Autre frein à la croissance des petites entreprises : les effets de seuils d’effectifs. En effet, passer d’une TPE à PME, c’est-à-dire passer le cap des 10 puis des 50 salariés, est envisagé avec appréhension par les chefs d’entreprises, puisqu’il entraîne l’application de nombreuses législations et réglementations, vécues comme de véritables contraintes et difficultés.
Enfin, le développement de l’activité passe aussi par les réseaux, la confiance et la synergie entre l’ensemble des acteurs.
L’accès aux marchés internationaux
L’export fait peur aux PME. Les écoles ont un rôle à jouer car la première barrière, c’est celle de la langue. L’EEIGM est une école européenne, qui s’appuie sur un consortium de six universités en France, Allemagne, Espagne, Suède et Russie. Les étudiants, à la fin de leur cursus, maîtrisent 3 langues étrangères (anglais, allemand, espagnol), et 50 % d’entre eux débutent leur carrière à l’étranger.
Par exemple, le groupe Crown Bevcan France est en train de créer une usine en Espagne, jumelle de celle installée à Custines. Pour réaliser cette implantation, il est à souligner l’absence de main d’œuvre et de machines françaises.
Il est difficile pour une jeune entreprise de se développer à l’international. Pour Alérion l’objectif est déjà de trouver des partenariats industriels en France, les grands groupes ayant besoin de l’agilité des start-up. Toutefois, répondre à des appels à projets européens est aussi une opportunité pour accéder à de nouveaux marchés. Par exemple, Alérion prépare un dossier de candidature à l’appel à projets du programme INTERREG VA Grande Région sur le projet Grone (Grande Région robotique aérienne) qui mobilise 18 partenaires sur le périmètre transfrontalier.
Le positionnement de la Métropole du Nancy est-il un atout pour se développer dans l’espace transfrontalier ? Pas forcément. Le groupe Fives Nordon travaille peu avec les pays frontaliers. Des marchés seraient possibles en Allemagne, mais ce pays est très protectionniste.
Pour conquérir de nouveaux marchés, il faut aussi viser les pays émergents (Inde, Kazakhstan…). Mais pour remporter un appel d’offres dans ces pays, cela suppose d’avoir un agent local de qualité qui renseigne l’entreprise sur les règles, normes et usages en vigueur permettant aux entreprises de faire une bonne réponse.